Anne-France Tardiveau est restée fidèle à l’esprit de troupe

24heures.ch

publié le vendredi 24 janvier 2020


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À l’affiche de « Spiridon superstar », la comédienne oscille entre rigueur et convivialité.

Elle en avait un peu marre des rôles de jeune première auxquels son physique la destine depuis vingt ans. «Je joue cette fois-ci une habilleuse plutôt autoritaire», se réjouit Anne-France Tardiveau depuis les coulisses du théâtre.

La journée de répétitions au Pré-aux-Moines, à Cossonay, touche à sa fin lorsque nous rejoignons la comédienne. Virginie Lemoine et Laury André nous expliquent la difficulté d’adapter à la scène « Spiridon superstar », ce marathonien hors pair. L’humoriste franco-suisse et le metteur en scène français ne se sont pas contentés de se réapproprier l’histoire très drôle des Jeux olympiques, racontée de manière historique par le romancier Philippe Jaenada. Ils ont aussi créé une histoire dans l’histoire, mettant en scène une troupe de théâtre retardée par des grèves. Anne-France Tardiveau y joue un rôle taillé sur mesure, comme chacun des six interprètes.

« On y va et on y croit ensemble »

Même si l’ambiance de travail a l’air plutôt détendue à une semaine de la première, qui a lieu ce jeudi soir, Anne-France Tardiveau avoue éprouver un sentiment mitigé, « entre excitation et gros point d’interrogation. C’est grisant, on y va et on y croit ensemble ». D’autant que jouer la comédie est un travail d’une précision folle, insiste-t-elle.

L’inconnu ne lui fait pas peur, elle qui a enchaîné les expériences, travaillant d’abord pour la chaîne du Chablais-Riviera Ici TV – La Télé – avant d’être speakerine à la TSR. Presque vingt ans après, le directeur du média régional l’appelait pour lui proposer d’animer l’émission « Oui Chef ! » « Ce sont de vraies belles rencontres qui nous suivent. Au théâtre, c’est la même chose. On joue ensemble, on se perd de vue. Mais il y a toujours le même bonheur de se retrouver. » Un peu comme avec la troupe des Amis du Boulevard Romand et son noyau dur, Pierre Aucaigne, Vincent Kohler et Antony Mettler. « Ils m’ont ouvert la porte il y a quelques années. J’ai gardé le pied dedans. Je m’y sens bien. On a la même façon de travailler. On aime la rigueur, mais on aime aussi passer du bon temps ensemble. On ne compte pas nos heures sur le plateau, mais ça se finit avec une bonne bouffe. Tout se dit, tout s’accepte. » D’autres « familles » de théâtre – elle préfère l’expression « cousins choisis » – comme la Compagnie Les Exilés, l’accaparent aussi.

Se perdre dans Paris

La comédienne affectionne d’autant plus l’esprit de troupe qu’elle a démarré le théâtre en solitaire. « Anne-France a une personnalité solaire, tournée vers les autres. Elle n’a pas envie d’être dans la lumière mais de faire partie de la troupe, observe son amie, Caroline Verdan. Elle saurait jouer absolument tout, elle est très ouverte. C’est quelqu’un de très beau, qui fait les choses sérieusement mais ne se prend jamais au sérieux. »

Après être passée par différentes formations en Suisse, elle quitte Montreux, où elle est née, pour suivre des études d’art dramatique à Paris. « Il faut que tu sois heureuse. Mais ce que tu fais, fais-le à fond », lui disaient ses parents – son père, Français, aujourd’hui décédé, était boucher, et sa mère, de nationalité suisse, infirmière. « Mais à 18 ans, c’est tôt ! Je vivais dans un dix mètres carrés. J’adorais mes cours, mais je devais aussi travailler à côté pour gagner ma vie. » Le Théâtre du Vieux-Quartier – ancien nom du Théâtre Montreux Riviera – lui propose alors d’enseigner à des jeunes et de les mettre en scène. Elle accepte et rentre en Suisse. C’est là qu’elle y interprétera son premier rôle quelques années plus tard.

Aujourd’hui, Anne-France Tardiveau retourne régulièrement dans la capitale française. « Je marche, j’aime m’y perdre, y voir des spectacles. Cette liberté de ne penser qu’à soi est un luxe énorme. C’est aussi un besoin. Je passe beaucoup de temps avec mes filles, mais parfois, je leur dis : « Là, maman part trois jours. » Et je pars. » Agées de 9, 11 et 13 ans, elles l’y incitent également, contentes de passer du temps chez leur grand-mère. Toute la famille, qui communique en anglais, se rend aussi fréquemment au Danemark, d’où son mari est originaire.

Si des ailes se froissent

Cet été, alors que ses filles traversaient l’Atlantique pour passer trois semaines en camp, elle n’a pas hésité à prendre un billet d’avion pour New York. « Notre premier instinct serait de les retenir. Mais elles ont aussi besoin de s’envoler. Il faut qu’elles apprennent. Il faut juste être là au cas où une aile se froisse. »

À 20 ans, elle était déjà partie aux États-Unis pour apprendre à manier la caméra et jouer dans des sitcoms – tout en bossant pour une boîte de catering. Cette fois-ci, elle s’est inscrite à un cours de chant et de claquettes. À l’époque où son futur mari, entrepreneur, travaillait à Zurich, elle s’était lancée dans des cours de clown, se trouvant là encore un boulot en parallèle.

Elle a rarement eu le temps de s’arrêter, mais si elle se posait, elle aimerait peut-être écrire ou monter un spectacle avec des jeunes. Fan de Jane Austen, elle imagine une écriture assez dark, sans doute le pendant de la comédie. « Ne jamais faire de plan sur la comète, continuer à avoir du plaisir », c’est sa philosophie. « Rien n’est impossible, il ne faut pas se fixer de limites. Le principal est d’être curieux et respectueux vis-à-vis des autres et de soi-même. C’est ce que je transmets à mes filles. Ne pas avoir d’a priori ni de préjugés, cela fait partie de la spirale du respect. »


Source 24heures.ch

A NOTER

Récit de Cécile Dalla Torre
Photo Chantal Devey